Les Amis de Claude Delvincourt
Claude Delvincourt (1888-1954) en 1932 (c) Amis de Claude Delvincourt
Musicien reconnu autant pour ses qualités remarquables de Directeur du Conservatoire National Supérieur de Paris que comme compositeur de premier plan aux idées novatrices, Claude Delvincourt possédait un esprit d'une rare distinction et une grande culture. Il avait une sainte horreur des sentiers battus et on le sentait perpétuellement à la recherche d'un monde nouveau. Claude Delvincourt écrivait sa musique "sans se soucier des qu'en dira-t-on ou de son succès futur". Sa musique fut très jouée et très appréciée de son vivant. Il nous appartient de la faire vivre.
Le 5 avril 1954, Claude Delvincourt trouve la mort dans un accident d'automobile, sur la route de Rome, où il allait assister à la première audition de son quatuor à cordes. Par quelle ironie du sort sa brillante carrière est-elle venue s'anéantir près de cette ville où il avait séjourné en 1913, après avoir obtenu le premier Grand Prix de Rome, et après avoir survécu aux terribles blessures reçues au front en 1915 ?
Claude Delvincourt naît à Paris le 12 janvier 1888. Son père, diplomate, et sa mère musicienne de talent, reconnaissent très vite les dons exceptionnels de leur fils. A cinq ans, sans connaître ses notes, il reproduit au piano les airs qu'il entend dans la rue.
Mais son père souhaite qu'il entreprenne des études classiques. Il obtient son baccalauréat, de latin/grec et de mathématiques. Licencié en droit, il prépare Polytechnique.
Malgré tout, l'amour de la musique l'emporte.
Le compositeur Léon Boëllmann puis Henri Busser, l'initient dès son enfance au solfège et au piano.
A vingt ans, il se présente au Conservatoire où Caussade lui enseigne le contrepoint et la fugue, Widor la composition.
Excellent pianiste, brillant organiste, c'est en 1913 qu'il obtient le premier Grand Prix de Rome en même temps que Lili Boulanger.
Lili Boulanger et Claude Delvincourt en 1913 (c) DR
La déclaration de guerre de 1914 interrompt son séjour à la Villa Médicis et Claude Delvincourt s'engage. Grièvement blessé le 31 décembre 1915 en Argonne, considéré comme perdu, il doit la vie à une miraculeuse intervention chirurgicale. Il ne reprendra ses activités musicales qu'en 1923.
Directeur du Conservatoire de Versailles de 1932 à 1941, Claude Delvincourt est nommé, à cette date à la direction du Conservatoire National de Paris. Commence alors une nouvelle page de son existence. Dans les circonstances difficiles de l'Occupation, il sait donner à cette école un souffle nouveau et un rayonnement exceptionnel.
Manager d'avant-garde, il rénove l'enseignement, crée de nouvelles classes. Il est le premier à mettre en place les "délégués de classes", initiative révolutionnaire et controversée à l'époque. Delvincourt ouvre les jurys aux compositeurs et interprètes de toutes tendances et enrichit le corps enseignant par la présence de professeurs de talent dont les qualités pédagogiques sont reconnues.
Très proche de ses collaborateurs et de ses élèves, il est leur confident, leur ami, tout en sachant garder l'autorité nécessaire. Il sait communiquer à son entourage sa gaieté et son dynamisme, et lui insuffle son enthousiasme et sa foi en la musique.
Le directeur et maître est aussi le défenseur de cette jeunesse à laquelle il se consacre totalement.
En 1943, les élèves de la classe 41 et 42 reçoivent une convocation du S.T.O. les enjoignant de partir pour l'Allemagne. Afin des les soustraire à la déportation, et pour leur permettre de poursuivre leurs études, Delvincourt crée avec l'accord de l'Etat-Major allemand, l'Orchestre des Cadets destiné en principe, à jouer en Allemagne et pour l'occupant. Orchestre fantôme qui, grâce à mille stratagèmes ne partit pour Berlin qu'en 1945 à la demande du Général Koenig et entreprit cette même année une tournée triomphale en Europe.
Décoré de la Croix de Guerre avec palmes, de la Médaille Militaire, Chevalier de la Légion d'Honneur en 1933, Claude Delvincourt est reconduit dans ses fonctions à la Libération et nommé Officier de la Légion d'Honneur.
Lors de sa mort brutale, des personnalités comme Henri Busser, Darius Milhaud, Pierre Petit, Norbert Dufourq, Olivier Messiaen et bien d'autres apportent des témoignages émouvants sur les dons et qualités hors du commun de cet homme disparu trop tôt.
Son œuvre, reconnue de grande valeur, s'inscrit dans la tradition de la musique française contemporaine, tout en restant d'une totale indépendance. Si son art est audacieux, ouvert aux innovations de l'écriture, il conserve toujours un souci d'ordre et de logique qui ôte tout caractère de gratuité à ses hardiesses.
Ses compositions très variées touchent à tous les genres : musique de chambre, musique de films, œuvres pour orchestre, œuvres lyriques. Elles sont l'expression d'un tempérament et d'une personnalité très forte mais complexe.
Homme de tradition et de rigueur, il est aussi et en même temps le novateur, souvent en avance sur son temps. Brillant causeur, malicieux, caustique, c'est la gaieté et l'humour de certaines pièces pour piano : Croquembouches, Heures Juvéniles, Boccacerie et pour l'Opéra-Comique la farce truculente de La Femme à Barbe, ou la gouaille de Radio-Sérénade, et la brillance du Bal Vénitien.
Chrétien, attaché à sa foi, intransigeant pour lui-même, généreux pour les autres, mais profondément choqué par la misère et le sectarisme, c'est l'immense et calme prière du Pater, la musique de lumière de l'Ave Verum qui laisse entrevoir les tourments et la révolte maîtrisée du Salut Solennel et du drame épique de Lucifer, jugé par ses contemporains comme "l'une des grandes œuvres du siècle".
Le destin n'a pas voulu qu'il en fût ainsi.
Michel Humbert-Delvincourt
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